Publication – Compte-rendu d’embarquement – Une journée à bord du Chasseur de mines tripartite Capricorne

La Délégation régionale Var-Corse de l’ANAJ-IHEDN a le plaisir de vous proposer le compte-rendu de son embarquement à bord du Chasseur de mines tripartite Capricorne, réalisé le 13 décembre dernier depuis la base navale de Toulon  !

Avertissement général

Ce texte n’engage que la responsabilité du / des auteur(s).
Les idées ou opinions émises ne peuvent en aucun cas être considérées comme l’expression d’une position officielle.

Membres de l’ANAJ Var-Corse, nous avons été contactés par le Centre d’Études Stratégiques de la Marine (CESM) pour assister au déploiement du Chasseur de Mines Tripartite Capricorne ce mardi 13 décembre 2016. Le bâtiment partait en mission au large de la Base Navale de Toulon avec pour objectif d’effectuer un pétardement d’explosifs non loin de la rade.

Sur le quai d’embarquement, nous sommes accueillis par le Pacha du Capricorne qui nous prend en charge et nous explique la raison d’être de son métier. De retour en service après son arrêt technique de quelques mois, le Capricorne quitte le quai à 9h00 pour effectuer sa première mission de remise en condition opérationnelle, avec son équipage paré pour cette aventure grâce à laquelle nous avons découvert le rôle des chasseurs de mines et leurs caractéristiques techniques.

I/ Le rôle des chasseurs de mines, illustré par un pétardement dans la matinée

L’une des missions de la Marine Nationale est de garantir la liberté des mers. Or, les mines marines, qu’elles soient placées à la surface, sous la surface ou au fond de la mer, constituent une menace importante pour les navires militaires comme pour le trafic commercial. Le chasseur de mines est donc un navire conçu pour détecter et localiser les mines à l’aide d’un sonar puis éventuellement les détruire.

Le premier rôle des chasseurs de mines est de guider les convois sous la menace de mines, et notamment de sécuriser les entrées et sorties des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Ils peuvent être intégrés à une force navale nationale ou internationale lorsque les opérations se déroulent près de côtes étrangères concernées par le risque de mines.

Les chasseurs de mines permettent également d’assurer la sûreté des approches maritimes du territoire français en effectuant régulièrement des « pétardements », c’est-à-dire des opérations de destruction d’engins explosifs (mines, obus, torpilles…) préalablement découverts, souvent des vestiges de la Seconde Guerre mondiale. Ces engins sont détruits à une profondeur de 10 à 80 mètres sous la surface, en faisant exploser une charge déposée à proximité par un robot sous-marin ou des plongeurs-démineurs et reliée par un câble à un détonateur électrique.

Les pétardements nécessitent de suivre une procédure particulière qui requiert à la fois une préparation en amont (notamment l’autorisation de la Préfecture maritime) et une préparation sur zone (sécurisation du périmètre pour éviter l’intrusion de tiers). Ayant rallié celle-ci au large de la presqu’île de Saint-Mandrier à une vitesse de 6-7 nœuds, les préparatifs du pétardement ont été effectués à partir de 10h30 avec la mise à l’eau de l’engin explosif d’exercice (un tronçon de torpille), suivie d’un briefing et du détournement de petites embarcations civiles, avant de procéder à la mise à feu à 11h35, toujours précédée des mesures réglementaires d’effarouchement dans le cadre de la préservation de la vie marine.

A la vue d’un grand flash blanc sous l’eau, une onde de choc secoue instantanément le bâtiment, suivie du bruit de la détonation et de gerbes d’eau jaillissant par à-coups à la surface. Le pétardement s’est effectué en toute sécurité, l’objectif opérationnel de la matinée a été rempli. En attendant que les plongeurs-démineurs remontent à bord, une vérification des installations est effectuée, notamment en prêtant attention à la tuyauterie qui a été secouée par l’onde de choc issue de l’explosion. Constatant que tout est normal, le Capricorne poursuit tranquillement sa route au large des côtes varoises.

II/ Le déjeuner, occasion d’en savoir plus sur les caractéristiques du chasseur de mines

A midi, un déjeuner dans le carré des officiers nous a ensuite permis d’en apprendre plus sur les caractéristiques du Capricorne avec le Pacha et ses adjoints. Navire de petite taille mais à la technologie développée, le chasseur de mines doit réduire le plus possible sa signature magnétique et acoustique, afin d’améliorer les capacités de détection de ses sonars et d’éviter de déclencher accidentellement la mise à feu des mines. Pour cette raison, le Capricorne a été construit en privilégiant l’utilisation de matériaux amagnétiques (le plastique par exemple) à la place du métal et comporte deux systèmes de propulsion, à savoir un moteur diesel pour la navigation normale et un moteur électrique pour les opérations de chasse aux mines. Ces spécificités font que le coût de développement et d’entretien de ce type de navire est plus important que ne le laisse penser sa taille.

Les chasseurs de mines actuellement en service dans la Marine Nationale ont fait l’objet d’un programme de construction faisant coopérer trois nations, d’où la qualification de tripartite : ils ont été construits dans les années 1980 par la France (qui a conçu l’équipement de chasse aux mines), la Belgique (pour l’électronique) et les Pays-Bas (pour la propulsion). Au total, 35 Chasseurs de Mines Tripartite (CMT) ont été construits par les trois pays et la France dispose aujourd’hui de 11 CMT (huit à Brest et trois à Toulon). Parmi ceux-ci, le M653, basé à Toulon, a d’abord été mis en service en 1987 dans la Marine belge sous l’appellation M918 Dianthus, avant d’être désarmé en 1993 pour des raisons budgétaires puis revendu en 1997 à la France, qui l’a requalifié et baptisé Capricorne.

Le Capricorne mesure 51,5 mètres de long et 9 mètres de large, pour environ 600 tonnes en pleine charge. Sa coque est faite d’un composite verre/résine polyester. Bénéficiant d’une autonomie de 15 jours et d’un rayon d’action de 3000 nautiques à vitesse moyenne de 12 nœuds, il peut aller jusqu’à 15 nœuds sur propulsion principale (diesel) et 7 nœuds sur propulsion auxiliaire (électrique). Equipé d’un moteur diesel de 1400 kW et d’un moteur électrique alimenté par trois turbines à gaz de 250 kW, lesquelles ont la particularité d’être situées au-dessus de la ligne de flottaison pour une meilleure discrétion acoustique, le Capricorne comporte également un propulseur d’étrave (à l’avant) qui permet de maintenir le navire à un point fixe durant l’intervention du robot sous-marin ou des plongeurs-démineurs.

Alors que le déjeuner s’achevait, le Pacha est informé que les équipes du central opération ont repéré deux échos sonar suspects sur la route du Capricorne. Ordre est alors donné de poursuivre l’investigation à l’aide des équipements du chasseur de mines.

III/ La détection de deux torpilles dans l’après-midi et l’exercice d’accident de plongée

Le CMT dispose d’un radar de navigation, d’un sonar de coque, pour info système désarmé depuis plusieurs années, de systèmes de pilotage automatique, de radionavigation, de transmissions intérieures numérisées et de transmission par satellite. Vers 13h15, l’analyse menée grâce aux équipements électroniques laisse penser que deux engins explosifs se situent dans les fonds sous-marins à proximité du Capricorne.

Si le Capricorne embarque une cinquantaine de marins dont six plongeurs-démineurs, il dispose également de deux PAP 104 (Poissons Auto-Propulsés) pour l’identification et la destruction des mines. Le PAP est un robot sous-marin de 2,7 mètres de long et de 700 kilos. Télécommandé par un fil depuis le CMT et propulsé par deux moteurs électriques latéraux, le PAP peut évoluer jusqu’à 600 mètres du navire et plonger jusqu’à 120 mètres de profondeur. Doté d’une caméra et d’un projecteur, il transmet l’image de l’engin (mine ou autre) à bord et peut déposer une charge explosive près de celui-ci. Le PAP est donc mis à l’eau et plonge à la rencontre des deux engins : il s’agit de deux torpilles, dont l’une, cas rare, est plantée verticalement. Toutefois, ce type de pétardement exigeant une autorisation préalable de la Préfecture maritime, celle-ci est informée de la présence des torpilles, qui pourront être détruites lors d’un prochain passage du chasseur de mines.

La vie à bord reprend avec la remise en condition opérationnelle de l’équipage. Un exercice est déclenché à 14h25 avec la simulation d’un accident de plongée. Une partie de l’équipage prend en charge le plongeur évanoui, victime d’un accident de décompression, et le conduit dans le caisson hyperbare pour lui permettre d’éviter l’intoxication. La fin d’exercice à 14h35 fait l’objet d’un débriefing de la part du capitaine d’armes (l’officier marinier responsable de la police du bord) qui rappelle les consignes et les gestes de sécurité à effectuer.

A 15h30, il est temps pour nous de quitter l’équipage, le Capricorne s’éloignant de plus en plus des côtes varoises. Ramenés à terre en zodiac, nous débarquons au port des Oursinières situé au Pradet (à une dizaine de kilomètres de Toulon), en laissant derrière nous le Capricorne continuer sa sonde des fonds marins, et garantir la liberté des mers dans lesquelles plonge ce soleil couchant qui nous renvoie à nos souvenirs. Le Capricorne assure comme l’ensemble des bâtiments de la force d’action navale, la défense maritime du territoire, car comme il faut nous le rappeler « Notre défense commence au large ».

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Benoît GRÉMARE
Délégué régional Var-Corse de l’ANAJ-IHEDN
86e séminaire Jeunes – Paris 2014
Guillaume FRANCOIS
Membre de la Délégation régionale Var-Corse de l’ANAJ-IHEDN
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