[CR] REGARDS CROISÉS SUR LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE

Auteurs : Marina DE CASTRO, déléguée lyonnaise des Jeunes de l’IHEDN,

Cédric RAYNAUD, Claudie CIZERON et Richard SAILLARD, membres de la délégation lyonnaise des Jeunes de l’IHEDN

Relecture par le pôle publication de l’association

 

Télécharger ici le compte-rendu

 
 

Ce texte n’engage que la responsabilité des auteurs.

Les idées ou opinions émises ne peuvent en aucun cas être considérées comme l’expression d’une position officielle.

La photo de couverture est tirée du site internet de la police nationale.

 
 
 
Cette conférence s’est tenue le lundi 29 avril 2019 à l’université Lyon 3.
Dans le cadre de leurs formations à l’École nationale supérieure de la police (ENSP) de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, nous avons pu recueillir le témoignage de trois cadres supérieurs de police étrangers.
Quelques mots sur nos intervenants :

  • M. Vitor, lieutenant-colonel de la police militaire (Brésil), en stage auprès de la police française et détaché dans le département des Yvelines pour étudier la problématique des vols à la fausse qualité, via une étude comparative avec l’état de Rio de Janeiro.
  • M. Achile, officier de police (Cameroun), détaché à la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de la Loire-Atlantique, sur une analyse comparative des polices française et camerounaise concernant la thématique partenariale de la prévention de la délinquance urbaine.
  • M. Oumar, commissaire principal de police (Mali), chargé d’étude comparative des dispositifs mis en place à la DDSP de la Gironde et à la direction régionale de la police nationale (DRPN) de Bamako dans le cadre de la prévention de la radicalisation islamiste et de l’intervention sur une tuerie de masse.

Leur stage s’est déroulé sur une période de 10 mois, avec une formation théorique à l’ENSP suivie d’un stage dans différents services de la police nationale.
 

BAPTEME DE LA 70E PROMOTION DE L’ENSP (COMPTE TWITTER DE LA POLICE NATIONALE)


 

Le Brésil

Analyse de l’existant

Le premier intervenant nous a présenté le déroulé de son stage dans le département des Yvelines. La problématique étudiée est celle du vol à la fausse qualité et l’action du commissaire de police face à ce phénomène.
La zone des Yvelines est répartie entre juridictions de police et de gendarmerie. La population fixe des Yvelines est de 1 435 448 personnes, à laquelle s’ajoute la population dite « flottante » correspondant aux flux de personnes au travers du département. Pour 2017, on a dénombré 40 vols à la fausse qualité pour la ville de Versailles, et 37 pour Saint-Germain-en-Laye. Ce sont les villes du département les plus touchées par ce fléau (>50% des cas).
Une grande majorité de ces vols se produit en septembre. Ces vols sont réalisés majoritairement avec l’aide d’un complice ; une personne s’occupe de distraire la victime pendant que l’autre s’introduit dans le domicile pour le repérage en prévision d’un vol.
Ces faits sont réprimés par l’article 311 du code pénal. La sanction peut être aggravée si la fausse qualité correspond à une personne dépositaire de l’autorité ou chargée d’une mission d’ordre public. Les peines peuvent aller jusqu’à 75 000€ d’amende et 5 ans d’emprisonnement. Le droit brésilien est semblable en la matière, la différence notable est que le délit du vol vient absorber la dimension de fausse qualité.

Prévention

Les victimes sont majoritairement des personnes âgées, plus vulnérables et moins enclines à l’utilisation des moyens de communication modernes qui permettent un accès rapide aux communications de la police (meeting, Twitter,…).
Pour répondre à ces problèmes, la police nationale déploie des moyens de communication importants notamment aux alentours des périodes estivales. La prévention est ainsi faite auprès de l’ensemble de la population.

État de Rio de Janeiro

Le Brésil est un état fédéral, à ce titre l’état de Rio (l’équivalent d’une région administrative française) comprend principalement la ville éponyme de 6 688 927 habitants. A cela s’ajoute la population flottante journalière avec 738 000 personnes pour le métro, 700 000 pour le train majoritairement.
Le Brésil dispose d’une police fédérale. S’y ajoutent  dans chaque Etat une police civile et une police militaire, aux missions spécifiques et différentes.
L’ensemble du système d’alerte et des outils opérationnels sont équivalents aux outils français. La sécurité intérieure améliore sa transparence auprès du public en mettant à disposition un site officiel recensant les statistiques policières, i.e. le nombre d’arrestations, d’interventions…
Pour renforcer l’image de la police mais également la prévention de la délinquance, les policiers mènent des actions de sensibilisation auprès des personnes âgées, dans les écoles, sur le modèle d’une police de proximité. De plus, pour ses missions préventives, la police utilise l’ensemble des réseaux sociaux à disposition ainsi que des interventions en direct.

Comparaison

Pour ce qui est des vols à la fausse qualité, le taux par 100 000 habitants est de 69 pour Versailles et de 8 pour l’Etat de Rio de Janeiro (1258 faits pour l’année 2017). Les sources de ce problème semblent être les mêmes qu’en France.
Le principal problème de l’Etat de Rio est le trafic de stupéfiants, qui se déroule à grande échelle. Il entraine une augmentation de la violence, bien supérieure relativement aux faits de violence en Europe.
 

Le Cameroun

Le partenariat contribue la population de sa police

La police de proximité camerounaise est issue de l’ancien modèle de police de proximité français, dont elle s’est progressivement détachée.
En France, la prévention de la délinquance est une politique publique à part entière. Cela marque l’importance de la prévention portée auprès des acteurs institutionnels français (l’éducation nationale, la justice, …). Cette politique est déclinée au niveau opérationnel à travers un plan interministériel, un plan départemental, un plan local. La police intervient à ces trois niveaux.
Les acteurs non-institutionnels sont plus développés au Cameroun, du fait notamment de la place centrale de la chefferie traditionnelle (de quartiers, notables, de blocs). Ces acteurs permettent à la police d’avoir un accès favorisé aux renseignements. Au-delà de cette dimension historique, les syndicats et association œuvrent en la matière.
La police dans les deux pays est active au moyen d’acteurs dédiés uniquement aux tâches de sensibilisation. Leur démarche est similaire.

La coopération policière comme vecteur de synergie opérationnelle dans la lutte contre les incivilités

Pour permettre de faire face aux défis sécuritaires, la DDSP Loire Atlantique a mis au point une politique d’occupation sécuritaire de la voie publique au moyen de créations de « points de meilleure visibilité de la police » permettant de recueillir les doléances des habitants et les demandes sécuritaires, mais également d’une cellule anti-rodéos. Pour lutter efficacement contre les petits trafics, des cellules interservices ont été mises en place.
Au Cameroun, ce sont des unités de police de proximité qui ont été créées, permettant le déploiement des patrouilles sécuritaires de proximité pour faire face au sentiment d’insécurité.
Pour ce qui est de la synergie opérationnelle entre la police et la gendarmerie, la collaboration est plus poussée au Cameroun qu’en France, car la concertation y est permanente, tant au niveau stratégique (état-major mixte) qu’au niveau opérationnel (services mixtes, i.e. patrouilles, enquêtes).

Conclusion

Chacun des deux pays dispose de procédés efficaces qui peuvent être adaptés aux situations locales, permettant une réponse plus efficace aux défis sécuritaires contemporains.

Le Mali

 
Le Mali est marqué par un clivage important au sein de sa population entre les personnes sédentaires et nomades. Dans ce contexte, le Mali a subi de nombreuses révolutions, la plus récente datant de 2012. Cette crise est multidimensionnelle et rassemble plusieurs acteurs, ici indépendantistes et terroristes. Pour faire face à ces menaces, le pays dispose de l’armée malienne mais également des milices qui œuvrent majoritairement dans les zones revendiquées par les séparatistes azawadis.
Pour supporter le pays, la communauté internationale est intervenue auprès du gouvernement malien avec au premier plan la France (opération Barkhane) et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilité du Mali (MINUSMA). Les causes de cette crise sont aussi le chômage et la pratique intégriste de l’Islam. Cette crise se finance notamment par la rançon des otages occidentaux.

Détection et traitement des signaux faibles dans le cadre de la prévention de la radicalisation islamiste

Cette pratique n’existe pas actuellement au Mali. La difficulté rencontrée par le Mali vient aussi de la détection des pratiques rigoristes de l’Islam. Il en devient donc difficile de suivre les foyers à risques. Par ailleurs, il n’y a pas de coordination entre les différents services au Mali comme on peut le voir en France.
Enfin, en cas d’échec face à la radicalisation violente, des évènements violents se sont produits et peuvent se produire, et ce peu importe le pays, d’où l’utilité d’une coopération internationale contre le terrorisme.

Intervention sur une tuerie de masse : la déclinaison locale du schéma d’intervention de la DDSP de la Gironde et le protocole d’emploi des unités d’intervention spéciales de la DRPN de Bamako

Le Mali a une organisation plus centralisée que la France quant à l’intervention en cas d’attaque terroriste. Ceci peut toutefois générer une perte de temps, pourtant crucial en cas d’attaque. Ces différentes composantes spéciales savent comment intervenir en fonction de la gravité de la situation.
Une autre différence est l’utilisation des armes. La seule possibilité légale au Mali relève de la légitime défense. En France, en plus de cet outil de droit commun, l’article L. 435-1 du code de sécurité intérieure prévoit un usage des armes étendu permettant de répondre à la menace.

Conclusion

Après le dépôt du rapport de l’intervenant, le Mali s’est doté d’une politique de prévention de la radicalisation, assorti d’un plan d’action. Au-delà du contenu de ce rapport, l’intervenant suggère de mettre en place des formations et des sensibilisations auprès des forces policières ; de désigner un référent « radicalisation islamiste » ; de mettre en place une base de données pour stocker et partager le renseignement à des fins de coopération policière internationale ; de capitaliser l’expérience française en mettent en place des structures de coordination ; et enfin de réviser la législation sur l’emploi des armes.
 
 
 
 

Thumbnail

Actualité précédente

Thumbnail

Actualité suivante