LES FORCES ARMÉES EN ÉGYPTE

« La situation exige une force, rassemblant ses membres en un cadre les éloignant, jusqu’à un certain point, des conflits entre personnes et entre les classes, une force faisant partie du peuple, dont les membres sont capables de se faire confiance et qui ont en leur main les éléments de la force matérielle leur permettant un acte honorable et décisif.»

                                                                           Gamal Abdel Nasser, 1953[1]

 
De la chute de la monarchie jusqu’à la révolution de 2011, l’armée égyptienne a entretenu avec le pouvoir une relation ambiguë : à la fois ultime défenseur de l’État, puissance économique et contrepouvoir face au clan présidentiel. La révolution a perturbé le statu quo existant entre la présidence et l’institution militaire. Après l’échec de la cohabitation avec le régime des frères musulmans et depuis l’arrivée au pouvoir du maréchal Sissi, l’influence de l’armée ne semble plus connaitre de limites.
 

Auteur : Martin GUILLEAUTOT, membre du comité Moyen-Orient et monde arabe

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L’auteur de la photo de couverture est le capitaine Mark Beberwyck (source : Wikipedia).

 
 

Les forces armées en Égypte avant 2011 : instrument et contre-pouvoir du régime

 

Nasser et le processus de militarisation de la vie publique égyptienne

 
L’acte de naissance de l’armée égyptienne moderne correspond au Traité anglo-égyptien de 1936, qui octroie au jeune Royaume d’avantage d’indépendance et limite le nombre troupes britanniques stationnées sur le territoire égyptien. Ce traité donne à l’armée égyptienne le statut d’allié mineur en cas de conflit tandis que les Britanniques s’engagent à l’armer et la moderniser[2]. La hausse du nombre de cadets formés par l’académie militaire constitue l’une des premières conséquences de ce traité.
Les jeunes officiers sortis de l’académie se considèrent comme une « avant-garde » de la nation égyptienne et commencent leur carrière dans une armée mal équipée et commandée par des officiers supérieurs souvent moins compétents qu’eux. En conséquence beaucoup sont attirés par des idéologies nationalistes et islamistes, hostiles à la monarchie et souhaitent une modernisation autoritaire du payd[3]. Parmi cette première génération d’officiers on compte notamment Anwar El Sadate et Zakariyya Muhi Al Din (futur chef des services de renseignements) pour la promotion 1936 et Gamal Abd el-Nasser pour la promotion 1937.
Après la défaite de 1949 contre Israël, le sentiment nationaliste s’intensifie chez les officiers. La même année, Nasser fonde le mouvement des Officiers libres, où il est rapidement suivi par la majorité des officiers. En 1952 ce mouvement prend le pouvoir et chasse le roi Farouk dans ce qui sera par la suite qualifié de « Révolution du 23 juillet ».
Nasser va, dès les premières années de la nouvelle République, confier un grand nombre de postes-clés de l’administration et du nouveau parti unique à ses anciens camarades officiers libres[4]. Commandant en chef de l’armée sous Nasser et ancien membre fondateurs des Officiers libres, Abdel Hakim Amer va s’employer à autonomiser l’armée par rapport à la société et doter le pays d’une industrie militaire. Extrêmement populaire, le maréchal Amer est considéré comme « le numéro un ex-aequo du régime » et va étendre au maximum l’influence de l’armée sur le secteur civil[5]. Toutefois sa relation avec Nasser se dégrade rapidement et il est écarté après la guerre de 1967 avant de mettre fin à ses jours.
A la mort de Nasser en 1970, l’appareil d’État comme le parti unique sont dominés par d’anciens militaires et les civils ne sont majoritaires qu’au Parlement. Les moukhabarats (les services de renseignement) sont également peuplés majoritairement d’anciens militaires mais ceux-ci n’ont que peu de contacts avec les forces armées.
 

Les années Sadate : la montée en puissance de l’armée inquiète le régime

 
Sadate, ancien officier libre et vice-président à la mort de Nasser, entre très vite en conflit avec les « gardiens du temple » nassériens. A partir de 1971 il s’efforce de les remplacer par des civils. Toutefois les officiers à la retraite restent un vivier de candidats pour l’appareil d’État (en particulier dans les collectivités locales)[6].
Après la guerre du Kippour en 1973 l’armée est l’institution la plus populaire du pays et ses relations avec la présidence sont complexes. L’armée ne se mêle pas des grandes décisions politiques mais le chef de l’État surveille de près les affaires internes des militaires, la possibilité d’un coup d’État n’étant pas nulle. Par sécurité Sadate va donc à la fois développer les services de sécurité et régulièrement visiter les unités. L’avis des militaires est estimé : les officiers peuvent poser des questions qu’un député n’aurait pas osé soulever et Sadate va même jusqu’à recevoir des officiers qui ont émis des critiques[7]. L’objectif est clairement de s’assurer la loyauté des forces armées.
Le régime va également continuer à développer l’industrie militaire notamment avec la création, en 1975, de l’Organisation arabe pour l’industrialisation. Pendant la même période l’armée va développer son bras économique et universaliser ses intérêts, ce qui lui permet d’avoir des revenus ne dépendant pas du budget et de proposer à la population des denrées de 1ère nécessité à bas prix[8]. Sur le plan diplomatique, Sadate va rompre avec la politique de Nasser et s’aligner sur les Etats-Unis, ce qui, à partir de 1979, permet aux forces armées de bénéficier très largement de l’aide militaire américaine[9].
 

Les années Moubarak et la montée de la contestation

 
Au cours des années 1970 on observe une montée en puissance des islamistes au sein des forces armées. Sadate est la cible de deux attentats mené par des militaires islamistes en 1974 et 1981, le dernier lui est fatal. Le vice-président Moubarak, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air, prend naturellement sa succession le 14 octobre 1981.
Au début de l’ère Moubarak et jusqu’à la fin des années 1980 le président poursuit la politique de Sadate et accorde de très nombreux avantages financiers aux militaires pour s’assurer de leur loyauté[10]. En parallèle, les quatre services de sécurité et le ministère de l’Intérieur voient leurs moyens augmenter et perfectionnent leurs techniques de prévention des coups d’État. Les rotations et mutations sont fréquentes et les officiers susceptibles de mettre en mouvement des unités sont sous étroite surveillance[11]. Comme le souligne Tewfik Aclimandos, chercheur associé à la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France et spécialiste de l’histoire de l’Égypte : « Hosni Moubarak veillait à régulièrement humilier publiquement son ministre de la défense […] cette constance indique un besoin de rappeler à l’opinion qui a le pouvoir, ce qui implique que la chose n’est pas évidente. »[12]
Du fait de cette politique ambivalente à son encontre, les rapports de l’institution militaire avec la présidence vont tout particulièrement se tendre à partir des années 2000. Le clan Moubarak cherche alors à garantir la transmission du pouvoir au fils cadet du président, Gamal Moubarak, qui ne fait pas partie de l’institution. En effet, en cas de disparition soudaine de Moubarak père, le pouvoir tomberait immanquablement aux mains des militaires. Ainsi en 2003 quand le président est pris d’un malaise, c’est le ministre de la défense, le maréchal Tantawi, qui prend le contrôle de la situation (le Parlement est bouclé et le Premier ministre et Gamal Moubarak sont immédiatement tenus à l’écart)[13]. Il est donc clair pour le régime que la succession devra être organisée du vivant de Moubarak père, donc par des élections.
Au cours des années 2000, en réponse à la campagne de privatisation et de libéralisation de l’économie menée par l’équipe de Gamal Moubarak, les forces armées diversifient leur portefeuille et investissent massivement dans des secteurs très divers : construction automobile, matériel informatique, traitement des eaux, transport de fret maritime, consolidant un véritable empire économique[14].
En 2007 des élections présidentielles ouvertes sont envisagées pour 2011 avec des conditions très restrictives pour la validation des candidatures. Toujours selon Aclimandos : ‘’ [ces élections] ont un triple objectif : a) montrer une façade démocratique b) permettre au régime de continuer à ‘’choisir’’ son opposition c) ne plus permettre à l’armée d’intervenir dans le choix du futur président. […] Le conseiller du président enfonce le clou, affirmant que « l’ère de l’intervention de l’armée dans les affaires politiques est terminée » ‘’[15].
Dans les forces armées les signes d’hostilité vis-à-vis de Gamal Moubarak, dont la victoire aux prochaines élections ne fait aucun doute, se multiplient.
 

Drapeau de l’armée égyptienne


 
 

L’armée arbitre ou adversaire de la Révolution égyptienne : 2011-2013

 

La rupture du régime Moubarak

 
Le 28 janvier 2011, au quatrième jour des manifestations, la police s’effondre sous la pression de la rue. La présidence demande le secours de l’armée. Cette dernière, dont la popularité est alors encore élevée, a ainsi toutes les cartes en main.
Selon Aclimandos, la première priorité pour le commandement est de maintenir la cohésion interne de l’institution. En effet, bien que la majorité des officiers supérieurs soient conservateurs (et généralement plus proches des islamistes que des jeunes révolutionnaires), les plus jeunes sont plus favorables aux révolutionnaires et très opposés aux plans de « dispersion des manifestations par la force » envisagés par la présidence[16].
Le 29 janvier l’armée obtient du président la renonciation au plan de transmission héréditaire du pouvoir et la disgrâce de l’équipe de Gamal Moubarak[17]. Le 31 janvier l’armée promet que jamais elle n’ouvrira le feu contre « le grand peuple »[18]. Le 30 janvier le maréchal Tantawi, ministre de la défense, est aperçu avec les manifestants place Tahrir[19]. Le 2 février, lors de « la bataille des chameaux », des partisans du régime à dos de chameaux et équipés d’armes blanches tentent de faire évacuer les manifestants place Tahrir. On dénombre plus de 500 blessés alors que l’armée n’intervient pas[20].
A partir de février le commandement militaire comprend que le régime a perdu la partie. Le 10 février le Conseil supérieur des forces armées (CSFA) présidé par le ministre de la défense, le maréchal Tantawi, se réunit de sa propre initiative et publie un communiqué qui affirme que l’armée a pris le contrôle de la situation pour « sauvegarder le pays »[21]. Deux jours plus tard, Moubarak démissionne et le nouveau vice-président, Omar Suleiman (ex-directeur des Moukhabarat), confirme que le CSFA restera au pouvoir jusqu’à l’élection d’un nouveau gouvernement civil. Le CSFA fait également savoir que l’Égypte continuera d’honorer tous ses engagements internationaux – y compris le traité de paix signé avec Israël auquel les islamistes sont très hostiles.
Le 13 février le CSFA dissout le Parlement, suspend la Constitution et annonce la mise en place d’un comité pour rédiger une nouvelle Constitution qui sera soumise à référendum[22]. Le 17 février l’armée annonce qu’elle ne présentera pas de candidat à l’élection présidentielle.
Malgré quelques tensions avec la population, en particulier les coptes et les révolutionnaires les plus libéraux, l’opinion publique est restée très majoritairement favorable au CSFA dans la période précédant l’arrivée au pouvoir des frères musulmans. Un sondage d’octobre 2011 indique ainsi que 91 % des Égyptiens font confiance au CSFA pour l’organisation des élections[23].
 

Barrage de chars M1 durant la révolution


 
 

L’expérience Morsi, une tentative vouée à l’échec ?

 
Pendant la période de transition qui précède l’élection présidentielle, l’armée et la confrérie des Frères musulmans se retrouvent alliés objectifs. L’armée estime en effet que l’organisation d’élections libres et la transition vers un gouvernement civil sont le meilleur moyen de rétablir l’ordre (et de conserver ses nombreux privilèges). Se sachant la seule véritable formation politique organisée du pays, la confrérie a également tout à gagner à laisser le CSFA organiser les élections.
Le 18 juin le CSFA publie une déclaration constitutionnelle limitant considérablement les pouvoirs du président tout en garantissant une autonomie toujours plus large du ministère de la défense.
Le 30 juin, Mohamed Morsi est élu 5e président de la République arabe d’Égypte, le CSFA est dissout, ses fonctions transférées au commandement général des forces armées et le maréchal Tantawi redevient ministre de la défense. Malgré la popularité réelle dont bénéficie le nouveau président la majorité des forces non islamistes craignent une nouvelle dérive autoritaire.
Le 12 aout, à la suite d’une attaque terroriste dans le nord-Sinaï où seize soldats ont été tués, le président Morsi met à la retraite Tantawi et le chef d’état-major des armées, Sami Anan. Son porte-parole indique que les deux officiers restent « conseillers du président » sans apporter plus de précision. Ils sont remplacés par deux officiers jugés très musulmans et donc politiquement sûrs : le directeur de l’agence de renseignement militaire Abdel Fattah Al Sissi, qui devient ministre de la défense, et le général Sidqi Subhi qui devient chef d’état-major. Les chefs d’état-major de la marine, de l’armée de l’air, et de la force de défense aérienne sont également remplacés et rendus à la vie civile dans des postes hauts placés dans l’empire économique de l’armée. La déclaration constitutionnelle de juin est abrogée et le président récupère tous les pouvoirs que le CSFA s’était réservés[24].
Pour la majorité des observateurs le message est clair : le pouvoir est dans les mains du gouvernement civil et l’armée n’a plus son mot à dire.
Selon Aclimandos, cette manœuvre de Morsi fait suite à un accord avec les officiers supérieurs, Al-Sissi étant un protégé et le successeur désigné de Tantawi.  La nouvelle Constitution accorde encore plus de privilèges économiques aux militaires : l’autorité en charge de lutte contre la corruption n’aura pas autorité sur les officiers et la nouvelle définition du travail forcé exclut explicitement le travail des conscrits dans les entreprises de l’armée[25]. En contrepartie l’armée accepte de soumettre les branches civiles de son empire économique au contrôle de la Cour des comptes [26], Tantawi et Anan se mettent en retrait de la vie publique.
Au cours de l’année la popularité de Morsi et des Frères musulmans décline de plus en plus. La situation économique de l’Egypte est critique et le gouvernement Morsi, de plus en plus autoritaire, est perçu comme incompétent. En outre la politique étrangère menée par les frères, en particulier leur alliance avec le Hamas, inquiète de plus en plus les militaires[27].
Le 21 novembre le gouvernement publie une nouvelle déclaration constitutionnelle qui supprime la possibilité de recours judiciaire contre les décrets présidentiels, rendant de fait obsolète le dernier contre-pouvoir légal. Des milliers de manifestants viennent protester devant le palais présidentiel : plusieurs cairotes sont tués dans des heurts avec des miliciens membres des Frères musulmans.
L’opposition non-islamiste tente de se rassembler en un « front du salut » mais les divisions internes empêchent toute action efficace. En février 2013, le chef d’état-major Sidqi Subhi déclare que l’armée serra peut-être contrainte d’intervenir si la situation se complique. En mars, les officiers sont de plus en plus nombreux à manifester leur hostilité vis-à-vis de la confrérie[28]. Morsi tente de remplacer Sissi par un candidat plus malléable, mais la manœuvre est jugée trop risquée au vu de l’opposition au sein de l’armée[29].
Le 26 avril deux jeunes Égyptiens, déçus par le « front du salut » lancent une pétition pour obtenir la destitution du président Morsi. La pétition atteint 2 millions de signatures en deux semaines, puis 5 millions (le score de Morsi au 1er tour de la présidentielle), puis 15 millions[30]. Une manifestation est prévue pour le 30 juin pour demander la démission de Morsi. La police fait savoir qu’elle ne tirera pas sur les manifestants et l’armée informe le régime qu’elle interviendra pour défendre les manifestants en cas d’attaque par des milices.
Le 30 juin l’armée estime à 14 millions le nombre de manifestants dans toute l’Egypte (soit un égyptien sur 6)[31]. Le 1er juillet Sissi envoie un ultimatum à tous les partis politiques : ils ont 48 heures pour « répondre aux demandes du peuple » ; dans le cas contraire l’armée interviendra. Le lendemain le président rejette l’ultimatum. Le surlendemain il est arrêté par le chef de la garde républicaine. Le 3 juin Sissi annonce la tenue de nouvelles élections présidentielles ; le président de la cour suprême, Aldy Mansour, est chargé d’assurer la présidence par intérim.
 

L’Egypte du maréchal Sissi : le retour à un régime militaire ?

 
A partir du 30 juin, l’armée récupère le contrôle de l’appareil d’État et va employer tous les moyens pour conserver le contrôle de la situation.
Pour les États Unis le nouveau dirigeant n’est pas un inconnu, il a en effet étudié au United States Army War College en 2006 (ou il a même rédigé un mémoire portant sur la démocratie au Moyen Orient). Dans les deux mois suivant la chute de Morsi, le Department of Defense américain signe près de 300 millions de dollars en contrats d’armement avec l’Égypte. En parallèle le nouveau gouvernement égyptien accorde à l’armée près d’un milliard de dollars en contrats d’infrastructures, et supprime les possibilités de recours contre les contrats publics[32].
Le 6 octobre 2013, Sissi déclare « nous [l’armée] nous sommes engagés devant Dieu, pour le peuple égyptien à protéger l’Egypte, les Égyptiens et leur libre-arbitre »[33].
Le 14 octobre l’armée et la police, sous le commandement de Sissi, évacuent par la force deux campements occupés depuis six semaines par des manifestants pro-Morsi. Le nombre de victimes fait débat : 638 morts et 3 994 blessés selon le ministère de la Santé, 817 morts selon Human Rights Watch. Le gouvernement affirme que 43 policiers ont été tués lors d’affrontements avec les militants frères et que d’importantes quantités d’armes et de munitions ont été retrouvées[34]. En novembre Sissi fait interdire les manifestations, étend la juridiction des tribunaux militaires et facilite le recours à la détention préventive sans limite de durée.
Fin 2013 plusieurs campagnes sont lancées pour demander la candidature de Sissi à la présidentielle. L’une d’entre elle prétend avoir rassemblé 26 millions de signatures. En décembre Sissi dont la popularité est au plus haut est nommé ‘’personne de l’année’’ par le magazine Times. En février 2014 il annonce son intention d’être candidat à la présidentielle « pour répondre à la demande du peuple égyptien »[35].
Le 24 mars, on estime que depuis la chute de Morsi, plus de 16 000 personnes ont été arrêtées, les prisons sont saturées et l’usage de la torture courant. Durant la même période près de 224 policiers et soldats ont été tués lors d’attaques terroristes[36].
Le 6 juin, Sissi est élu président avec 96 % des votes comptabilisés (la participation est estimée à 42 %)[37].  Le 22 juin les États-Unis reprennent le versement de l’aide militaire précédemment gelée par l’administration Obama, auquel s’ajoutent 1,3 milliard de dollars supplémentaire en décembre.
Aujourd’hui l’armée égyptienne exerce un contrôle sans précédent sur la vie économique et politique égyptienne et bénéficie du soutien des États-Unis (dont elle est le deuxième bénéficiaire d’aide militaire) ainsi que des monarchies du Golfe (qui ont versé plus de 20 milliards de dollars d’aide militaire à l’Egypte entre 2013 et 2015)[38].L’institution militaire n’a plus de menace externe crédible ; toutefois son unité interne n’est pas assurée. Ainsi en janvier 2018, le général Sami Anan, l’ancien chef d’état-major, a voulu se présenter aux élections présidentielles contre Sissi. Trois jours après le début de sa campagne, il a été arrêté par la police militaire. Après sa réélection Sissi a fait remplacer les ministres de la défense et de l’intérieur par deux de ses anciens subordonnés[39].
Moins d’un an après la réélection un référendum est organisé pour modifier la constitution : la durée du mandat du président passe de 4 à 6 ans et le nombre maximum de mandats successifs passe de 2 à 3. Plus significatif encore, le texte prévoit que le président prenne la tête du Conseil suprême de la magistrature et nomme le président de la Haute Cour constitutionnelle. La réforme est approuvée le 23 avril 2019 à 88,8 % des suffrages. L’avenir politique de Sissi est donc vraisemblablement assuré au moins jusqu’en 2030[40].
Il est manifeste que l’armée dispose d’une influence historique et structurelle considérable sur l’État égyptien. Plus aucun acteur institutionnel ne semble aujourd’hui capable de limiter cette influence.
 
 

Insigne de l’armée égyptienne


 
 
 
[1] Aclimandos Tewfik, « De l’armée égyptienne. Éléments d’interprétation du « grand récit » d’un acteur-clé du paysage national », Revue Tiers Monde, 2015/2 (n° 222), p. 85-102. DOI : 10.3917/rtm.222.0085. URL : https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2015-2-page-85.htm
[2] Aclimandos Tewfik, « L’armée égyptienne : ultime garant de la pérennité du régime », Les Champs de Mars, 2012/1 (n° 23), p. 39-56. DOI : 10.3917/lcdm1.023.0039. URL : https://www.cairn.info/revue-les-champs-de-mars-ldm-2012-1-page-39.htm
[3] Aclimandos Tewfik, « Armée populaire », Outre-Terre, 2011/3 (n° 29), p. 317-332. DOI : 10.3917/oute.029.0317. URL : https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2011-3-page-317.htm
[4] « L’armée égyptienne : ultime garant de la pérennité du régime », op. cit.
[5] Ibid
[6] Ibid
[7] « Armée populaire », op. cit.
[8] « Armée populaire », op. cit. ; « L’armée égyptienne : ultime garant de la pérennité du régime », op. cit.
[9] Marshall Shana, The Egyptian Armed Forces and The Remaking of an Economic Empire., 15 avril 2015, Carnegie Middle East Center, https://carnegieendowment.org/2015/04/15/egyptian-armed-forces-and-remaking-of-economic-empire-pub-59732
[10] « Armée populaire », op. cit.
[11] « L’armée égyptienne : ultime garant de la pérennité du régime », op. cit.
[12] « De l’armée égyptienne : Éléments d’interprétation du « grand récit » d’un acteur-clé du paysage national », op. cit.
[13] « Armée populaire », op. cit. ; « L’armée égyptienne : ultime garant de la pérennité du régime », op. cit.
[14] The Egyptian Armed Forces and The Remaking of an Economic Empire, op cit.
[15] « L’armée égyptienne : ultime garant de la pérennité du régime », op. cit.
[16] Ibid
[17] Ibid
[18] Aclimandos Tewfik, « Armée et police face à la révolution », Les Cahiers de l’Orient, 2013/1 (n° 109), p. 11-33. DOI : 10.3917/lcdlo.109.0011. URL : https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2013-1-page-11.htm
[19] « Egypt’s Minister of Defense Joins Protesters in Tahrir Square ». Al-Masry Al-Youm. 31 May 2012, https://web.archive.org/web/20120531104631/http://www.egyptindependent.com/news/egypts-minister-defense-joins-protesters-tahrir-square
[20] Fahim Kareem, Shadid Anthony et Kirkpatrick David D, « Clashes Erupt in Cairo Between Mubarak’s Allies and Foes », The New York Times, 2 février 2011, https://archive.nytimes.com/www.nytimes.com/2011/02/03/world/middleeast/03egypt.html
[21] Mubarak meets with VP, protesters flood square ». Apnews.myway.com. 10 mars 2012, https://web.archive.org/web/20120310225642/http://apnews.myway.com//article/20110210/D9LA1S980.html
[22]Egyptian military dissolves parliament. BBC News, 13 février 2011, https://www.bbc.com/news/world-middle-east-12443678
[23] Poll- Do Egyptians really want to overthrow the military government? Suby Raman, Tabeer 22 novembre 2011,  https://web.archive.org/web/20130601064948/http://subyraman.com/poll-do-egyptians-really-want-to-overthrow-the-military-government/ (archive)
[24] Aboulenein Ahmed, « Morsy assumes power: Sacks Tantawi and Anan, reverses constitutional decree and reshuffles SCAF », The Daily News Egypt, 12 aout 2012, https://wwww.dailynewssegypt.com/2012/08/12/morsy-assumes-power-sacks-tantawi-and-anan-reverses-constitutional-decree-and-reshuffles-scaf/
[25] The Egyptian Armed Forces and The Remaking of an Economic Empire, op cit.
[26] Aclimandos Tewfik, « Il regno di un anno ascesa e caduta dei fratelli musulmani », Rivista italiana di Geopolitica, septembre 2013, http://www.limesonline.com/cartaceo/il-regno-di-un-anno-ascesa-e-caduta-dei-fratelli-musulmani?prv=true (version publiée dans la revue) https://www.academia.edu/8372902/Un_r%C3%A8gne_dun_an (version française intitulée « Un règne d’un an »)
[27] Ibid
[28] Ibid
[29] The Egyptian Armed Forces and The Remaking of an Economic Empire, op cit.
[30] « Un règne d’un an », op. cit.
[31] Fayed Shaimaa, Saleh Yasmine, « Millions flood Egypt’s streets to demand Mursi quit », Reuters, 30 juin 2013, https://www.reuters.com/article/us-egypt-protests/millions-flood-egypts-streets-to-demand-mursi-quit-idUSBRE95Q0NO20130630
[32] The Egyptian Armed Forces and The Remaking of an Economic Empire, op cit.
« L’institution militaire égyptienne, l’entreprise la plus puissante du pays ». Nemrod, Février 2018, http://nemrod-ecds.com/?p=1262
Kingsley Patrick, « Worse than the dictators: Egypt’s leaders bring pillars of freedom crashing down », The Guardian, 26 décembre 2014, https://www.theguardian.com/world/2014/dec/26/sp-egypt-pillars-of-freedom-crashing-down
[33] « Egypt rights groups voice misgiving about army’s call for rallies ». Daily News Egypt. 7 octobre 2013, http://english.ahram.org.eg/NewsContent/1/64/77394/Egypt/Politics-/Egypt-rights-groups-voice-misgiving-about-armys-ca.aspx
[34] Hauslohner Abigail, Al-Hourani Sharaf, « Scores dead in Egypt after security forces launch assault on protesters’ camp », The Washington Post, 14 août 2013,, https://www.washingtonpost.com/world/egyptian-security-forces-move-against-protesters-camps/2013/08/14/bc079750-04a7-11e3-9259-e2aafe5a5f84_story.html?_=ddid-1-1572384480
[35]Georgy Michael, « Egypt army chief Sisi says he will run for president – report ». Reuters, 6 février 2014, https://uk.reuters.com/article/uk-egypt-sisi-election/egypt-army-chief-sisi-says-he-will-run-for-president-report-idUKBREA1426W20140206
[36] Dunne Michele, Williamson Scott, Egypt’s Unprecedented Instability by the Numbers, Carnegie Endowment for International Peace, 24 mars 2014, https://carnegieendowment.org/2014/03/24/egypt-s-unprecedented-instability-by-numbers/h5j
[37] Kingsley Patrick ; « Abdel Fatah al-Sisi sweeps to victory in Egyptian presidential election », The Guardian, 29 mai 2014, https://www.theguardian.com/world/2014/may/29/abdel-fatah-al-sisi-sweeps-victory-egyptian-election
[38] The Egyptian Armed Forces and The Remaking of an Economic Empire, op cit.
[39] Tolba Ahmed, Knecht Eric,  « Egypt changes key government posts for Sisi’s second term », Reuters, 14 juin 2018, https://www.reuters.com/article/us-egypt-politics/egypt-changes-key-government-posts-for-sisis-second-term-idUSKBN1JA1IP
[40] Michaelson Ruth, Youssef Adham, « Sisi wins snap Egyptian referendum amid vote-buying claims », The Guardian, 23 avril 2019, https://www.theguardian.com/world/2019/apr/23/sisi-wins-snap-egyptian-referendum-amid-vote-buying-claims

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