[CR] RELATIONS FRANCE-CHINE : L’ENVERS DU DÉCOR

 
Le 9 janvier 2020, le comité Asie des Jeunes-IHEDN organisait une conférence à l’École militaire sur les relations entre la France et la Chine. Si la guerre commerciale avec les États-Unis fait couler beaucoup d’encre, la France n’est pas épargnée par Pékin dans sa quête pour le leadership technologique mondial. Au contraire, la Chine fait peser une menace croissante sur l’Hexagone dans de nombreux domaines et multiplie les opérations d’influence en utilisant d’anciens ministres, diplomates, hommes d’affaires, étudiants…
 

À PROPOS DES INTERVENANTS :

 
Journaliste au magazine économique Challenge depuis 2014 où il couvre l’actualité internationale, Antoine Izambard est l’auteur de l’ouvrage « France-Chine, les liaisons dangereuses – Espionnage, business… Révélations sur une guerre secrète ».
Emmanuel Véron est docteur en géographie et spécialiste de la Chine contemporaine.
 

Auteur : prise de notes et rédaction par Clara M., membre du comité Asie des Jeunes IHEDN

Relecture par le pôle publication de l’association

 

Téléchargez ici le compte-rendu

 

Ce texte n’engage pas les intervenants.

Les idées ou opinions émises ne peuvent en aucun cas être considérées comme l’expression d’une position officielle de l’intervenant ou des Jeunes IHEDN.

 

 

 

Introduction

 
Depuis l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir en 2012, on assiste à une véritable affirmation de puissance de la Chine. Quelques observations le démontrent. En quatre ans, la Chine a bâti une marine de guerre aussi puissante que celle de la France. Ses capacités cyber sont conséquentes et ses motivations toujours très centrées sur la croissance économique.
La Chine ambitionne d’occuper la première place mondiale sur le plan technologique d’ici 2049. Elle indique toutes ses orientations stratégiques dans des grands « plans », notamment le plan « Made in China 2025 » qui est très intéressant à étudier pour comprendre leur souhait d’acquérir leur souveraineté technologique.
 

Cyber, thème dominant et d’actualité

 
En 2017, Airbus, a fait l’objet de nombreuses cyberattaques et d’actes de cyber-malveillance venant probablement de la Chine. Celle-ci souhaiterait obtenir des informations sur la certification des avions. Airbus, qui a choisi de s’implanter en Chine et d’y produire l’avion A320, détient maintenant 50 % des parts du marché local.
Néanmoins, afin d’atteindre son autonomie dans le domaine aéronautique, la Chine manque actuellement de connaissance et de compétences en matière de fabrications d’ailes d’avions et de certifications
En 2013-2014, la Chine a attaqué Safran pour acquérir des informations sur les certifications des moteurs. Un collaborateur travaillant pour une usine de Safran en Chine, diplômé de Centrale Lyon, a ainsi régulièrement fourni des informations aux renseignements chinois et a introduit par clé USB un malware dans l’ordinateur du responsable informatique de Safran qui se déplaçait en Chine.
En 2008-2009, la Chine aurait mis en œuvre une attaque s’appuyant sur une filiale américaine peu sécurisée d’Areva aux fins d’obtenir des informations relatives au secteur du nucléaire Jusqu’à 2014-2015, le mode opératoire des groupes d’attaquants chinois paraissait faire appel à de grands volumes. Ils auraient ensuite modernisé leur arsenal cyberoffensif, si bien que leurs attaques sont aujourd’hui plus subtiles, plus sensibles et moins traçables.
 

Espionnage traditionnel

 
S’agissant de l’espionnage traditionnel, la Chine, comme d’autres pays, continue d’user des techniques éprouvées.
D’après des témoignages, le pays arrive à utiliser la diaspora, en ayant recours notamment au levier familial, même si le phénomène est moins présent en France que dans d’autres pays tels que les États-Unis ou le Royaume-Uni. Ainsi, on a observé beaucoup de mariages entre Chinoises et militaires français, notamment en Bretagne, ce qui a pu éveiller quelques soupçons et la vigilance des services français compétents.
De plus, les étudiants chinois embauchés par des entreprises françaises peuvent être amenés à travailler pour des entreprises chinoises et mettre leurs expériences au profit de celles-ci L’entreprise étrangère devient ainsi un organisme de formation, ce qui peut être le cas dans beaucoup de pays et situations. Le cas d’espionnage industriel en poste peut aussi se présenter. S’agissant de l’affaire de la stagiaire de Valeo, il n’a jamais été fait état de preuve.
Les Américains semblent moins rencontrer ce problème car ils sont capables de réaliser des interceptions ciblées. C’est d’ailleurs le FBI qui a détecté en premier les intrusions chez Safran et en a informé les Français.
 

Universités, écoles et recherche

 
Le cas Huawei est évidemment intéressant et important à connaitre (premier chapitre du livre dédié). L’entreprise est présente en France depuis 2002-2003 et multiplie les actions de partenariats et de rapprochement avec les écoles et la recherche.
Huawei possède deux laboratoires en mathématiques et algorithmiques hors de Chine, un en France et l’autre en Russie. L’entreprise souhaite bénéficier des compétences des ingénieurs et chercheurs français et propose des financements très conséquents pour des partenariats. La recherche française, en besoin de financeurs, ne peut se permettre de refuser les montants considérables proposés.
Huawei a pu également proposer à des écoles d’ingénieur de financer des contrats doctoraux. L’un d’eux a été remarqué car il portait sur la fibre optique avec comme conditions l’exclusivité pendant huit ans et l’interdiction de ne pas vendre ultérieurement le brevet à des concurrents cités (chinois, américains notamment).
Dans une des universités de l’ouest de la France, le programme doctoral portant sur un sujet dual militaire et civil a accueilli environ dix doctorants chinois, venant de l’entité chargée des achats des matériels militaires, sur les trente recrutés dans le cadre du programme.
Il apparait ainsi que les universités et écoles ne sont pas assez vigilantes s’agissant des partenariats sur ces thématiques très sensibles. Les directeurs de ces établissements l’expliquent pour deux raisons : la vocation à être universelle de la recherche et le cruel besoin de financement. On peut également l’associer à un certain manque de protectionnisme, de souveraineté de la part du domaine de la recherche dont les représentants vont souvent accepter ces partenariats.
Outre-Atlantique, les États-Unis deviennent de plus en plus vigilants et sont en alerte. Le nombre croissant d’étudiants chinois dans leurs universités inquiète les autorités. Sur le plan de la communication, les États-Unis arrivent à informer efficacement concernant les dangers qu’ils identifient et à mettre en place les actions de prévention nécessaires. Le Royaume-Uni également. La France presque jamais.
Même si, dans le cas de Safran des collaborateurs français ont avoué travailler au profit du gouvernement chinois, trop peu de communications ont été réalisées en France et les entreprises restent assez peu sensibilisées.
 

Actions de la France

 
Une action récente pour s’atteler au risque cybersécurité est la mise en place d’un campus cyber en France, dont le président Macron a fait une priorité Pour l’instant, les acteurs clés maintiennent une cohésion forte malgré leurs divergences et les initiatives précédentes.
Outre cette initiative, le gouvernement parait tenir plusieurs discours. L’outil d’intelligence économique français ne semble pas donner de signal assez fort de soutien aux entreprises françaises et à la souveraineté. Pour exemple, l’État a autorisé la vente d’une entreprise de semi-conducteur à des acquéreurs chinois alors que le vignoble Clos de Tart en Bourgogne n’a pas été vendu à Jack Ma, devenant plutôt la propriété du français François Pinault. Ainsi, la stratégie française peut paraître à géométrie variable.
Il est important de sensibiliser, notamment les jeunes, sur le besoin d’un certain sentiment d’appartenance et de promotion d’une stratégie nationale et européenne. L’action que mènent les Jeunes IHEDN est, dans ce sens, très important.
 
 
Photo de couverture : la ville de Shanghai de nuit © Adi Constantin – Unsplash

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