DE LA DONNÉE À LA CONNAISSANCE, UNE BASE CONCEPTUELLE DE L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE

Notre objectif est ici d’expliciter plusieurs notions clés : la donnée, l’information, le renseignement et la connaissance ; ainsi que leurs articulations.
Les confusions inhérentes à ces différents concepts sont communes. Ils sont pourtant indispensables à la diffusion et la compréhension de l’intelligence économique. La démarche explicative est la suivante : chaque concept sera défini clairement, illustration à l’appui. Nous nous efforcerons également de mettre en exergue les liens de dépendance et de causalité qui relient la donnée à l’information, l’information au renseignement, puis le renseignement à la connaissance.
 
 

Auteur : Yvan FAILLIOT, membre du comité risques & intelligence économique

Relecture par le pôle publication de l’association

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Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur. Les idées ou opinions émises ne peuvent en aucun cas être considérées comme l’expression d’une position officielle.

 

Donnée

 
La donnée est un élément brut, qui n’a pas – encore – de contexte[1]. Elle est un symbole (mot, nombre, image, son, etc.) qui ne fait pas sens, pris isolément.

Exemples:

– Dead-line

– 11/10/2017

– ♫

 
La grande majorité des traitements informatiques concernent des données qui ne sont pas manipulées en fonction d’une reconnaissance de sens, mais d’une structure (ex : un format de date) facilitant les opérations ; on parle alors de données structurées. A contrario, les données non structurées, qui représentent la majorité des données, n’ont pas de format directement reconnaissable.
Les traitements deviennent plus complexes lorsqu’il est nécessaire de différencier les données en fonction de leur sens : c’est-à-dire quand elles deviennent des informations[2].
 

Information

 
Une information peut être considérée comme une donnée perçue au prisme d’un modèle interprétatif, lié aux connaissances. Cette mise en contexte initie « une valeur ajoutée cognitive »[3].

Exemples:

Si l’on souhaite différencier deux formes de données, il suffit pour l’informaticien de faire appel à une fonction comparant – par exemple – deux chaînes de caractères, octet par octet. Or deux adresses peuvent être identiques sans que leurs représentations le soient. En effet, un code postal peut être écrit 91000 ou F91000 ; de même, Boulevard peut être abrégé en Bd[4]. Seul un modèle interprétatif permet alors d’identifier que chaque donnée est porteuse d’une signification/information identique. De la même manière, un individu français est capable de transcrire ces simples suites de caractères disparates (données), en une « adresse » (information) ; tandis qu’un étranger ne disposant pas du même modèle interprétatif en sera incapable spontanément.

Il faut également noter que toute information se constitue d’une ou plusieurs données collectées à partir d’une source, cette dernière permettant de « qualifier » l’information, c’est-à-dire d’estimer sa fiabilité.

La formation d’information vise à augmenter notre compréhension de la réalité, et donc notre intelligence[5] ; intelligence (inter-ligere) signifiant étymologiquement « faire du lien »[6].

 

Renseignement

 
Un renseignement peut être considéré comme « une information élaborée, pertinente et utile, correspondant aux besoins de celui [ou celle] qui la reçoit »[7] ; notons d’ailleurs que la notion d’« information utile » est l’un des fondements de l’intelligence économique[8]. Le renseignement est donc ce que l’on pourrait qualifier de « substantifique moelle » d’un ensemble d’informations, obtenue après compilation et analyse. Ce dernier processus permet alors de comprendre ; comprendre (cum-prendere) signifiant étymologiquement « mettre ensemble »[9]. La définition du Larousse[10] insiste sur l’idée d’« éclaircissement » que porte le renseignement.

Exemple:

Le client d’un cabinet d’intelligence économique commande une due diligence[11] afin de s’assurer de la fiabilité d’un partenaire potentiel. Le cabinet de conseil s’efforce alors de collecter un maximum d’informations pertinentes, conduisant ensuite à une analyse et un croisement de ces éléments.
La restitution au client du rapport final a pour vocation d’éclairer l’opportunité de s’engager ou non avec le partenaire envisagé.
 

Connaissance

 
La connaissance peut être considérée comme une information assimilée et permettant d’aboutir à une action. On peut également définir la connaissance comme le complexe informationnel organisé propre à une structure (ex : un individu).
La connaissance constitue le modèle interprétatif que nous avons mentionné plus haut. Ainsi, des données peuvent être communiquées sans pour autant devenir des informations si le récepteur ne dispose pas du référentiel permettant de les interpréter.
Nonaka et Takeuchi, experts du knowledge management, différencient deux formes de connaissances.[12].

  • La connaissance tacite : celle que possèdent les individus. Elle n’est pas formalisée et est difficilement transmissible (compétences, expériences, etc.) ; celle-ci étant acquise par imitation et imprégnation.
  • La connaissance explicite : elle est formalisée et transmissible sous forme de documents réutilisables (processus, connaissance d’un environnement, etc.) ; elle peut donc être acquise via des documents formalisés et normalisés.

 

Schéma récapitulatif du cycle

 

 
 

Implications, en matière d’influence, du processus d’apprentissage

 
Il n’existe pas de création d’information, et a fortiori de renseignement, sans connaissance. Il appert en effet que l’information et le renseignement ne sont qu’une déduction de données vues à travers le prisme de connaissances. Or, tout modèle de connaissance peut être considéré, sinon comme totalement arbitraire, au moins partiellement biaisé, car influencé par un environnement informationnel direct et indirect, rapportant parfois des éléments inexacts ou corrompus.
C’est finalement tout le processus cognitif, duquel dépend la prise de décision, qui se trouve exposé à des logiques d’influence pouvant être engendrées de l’extérieur. Ainsi, par exemple, deux personnes ayant une expérience et une idéologie différentes ne tireront pas nécessairement la même information d’une donnée précise. En effet, tandis qu’une partie de notre modèle interprétatif peut être considéré comme objectif (ex : reconnaissance d’un format d’adresse), une autre partie de celui-ci peut aisément être jugée subjective ou variable. Ces processus sont également étudiés en intelligence économique.
 

*  *  *

 
[1] Logiques processuelles, « Donnée, information, connaissance », 2009, https://brunochaudet.wordpress.com/2009/03/30/donnee-information-connaissance/.
[2] MALLE Jean Pierre, « Donnée, information, connaissance », Cleverm8, 2017, https://cleverm8.com/donnee-information-connaissance/.
[3] DELLEBECQUE Eric, « L’intelligence économique Pour les Nuls », First, 2015.
[4] MALLE Jean Pierre, « Donnée, information, connaissance », Cleverm8, 2017, https://cleverm8.com/donnee-information-connaissance/.
[5] DELLEBECQUE Eric, « L’intelligence économique Pour les Nuls », First, 2015.
[6] BONDU Jérôme, Inter Ligere, 2007, https://www.inter-ligere.fr/index.php/fr/intelligence-economique/100-97inter-ligere.
[7] LACOSTE Pierre et THUAL François, « Services secrets et géopolitique », Lavauzelle, 2002.
[8] Voir le Rapport Martre, 1994, http://bdc.aege.fr/public/Intelligence_Economique_et_strategie_des_entreprises_1994.pdf.
[9] BONDU Jérôme, Inter Ligere, 2007, https://www.inter-ligere.fr/index.php/fr/intelligence-economique/100-97inter-ligere.
[10] Larousse, « renseignement », https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/renseignement/.
[11] C’est-à-dire, pour résumer, un travail de vérification d’antécédents, d’intégrité et de probité concernant un sujet particulier.
[12] Logiques processuelles, « Donnée, information, connaissance », 2009, https://brunochaudet.wordpress.com/2009/03/30/donnee-information-connaissance/.

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