Diplomatie, défense, développement : comment faire face à la désinformation ?

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diplomatie, défense, développement : comment faire face à la désinformation ?

La webconférence a été organisée par le comité Culture & Influences le 2 juin 2021. Sylvain ITTÉ, ambassadeur et envoyé spécial pour la diplomatie publique en Afrique, était l’invité. 

La diplomatie publique se distingue de la diplomatie classique car, contrairement à cette dernière, elle ne s’exerce pas dans un cadre bilatéral, entre diplomates. Au contraire, elle vise à porter la voix de la France directement auprès de la société civile. Il existe ainsi plusieurs envoyés spéciaux thématiques et représentants permanents auprès d’Organisations Inter-Gouvernementales (OIG), dont l’Ambassadeur Sylvain ITTÉ fait partie.

Un contexte propice à la désinformation sur le continent africain

Les pratiques désinformationnelles ne sont pas nouvelles. À son époque, TALLEYRAND avait développé une expertise en la matière et, bien des années plus tard, les nazis aussi. Il existe cependant aujourd’hui une certaine naïveté alors que cette menace cible particulièrement la France et que les nouvelles technologies lui donnent plus de force.

Le contexte actuel a en effet été propice à la désinformation, et l’Afrique ne fait pas exception à la règle. La pandémie de COVID-19 et l’affaire Samuel PATY ont ainsi fait l’objet de campagnes de désinformations de la part de la Chine et la Turquie respectivement. Et de la Russie aussi, avec de moindres moyens. Facebook a ainsi révélé l’année dernière la fermeture de 40 000 comptes russes liés à la désinformation visant la République Centrafricaine (RCA), contre moins de 1 000 français.

Les activités de la diplomatie publique s’inscrivent dans une sorte de guerre asymétrique, une guerre de valeurs. Cette lutte n’est cependant pas offensive : son but premier est d’expliquer la politique de la France, de faire entendre sa voix en Afrique parmi celles de puissances aux intérêts divergents. 

Des facteurs aggravants liés à la montée du multilatéralisme et de l’islamisme

Selon l’Ambassadeur, le terme « influence » n’est plus adapté pour parler des relations entre pays africains et étrangers. Il ne s’agit plus d’influence mais de multilatéralisme : les Africains choisissent leur destin et diversifient leurs collaborations. Emmanuel MACRON l’a d’ailleurs réaffirmé avec force dans son discours à Ouagadougou en 2017, « il n’y a plus de politique africaine de la France ». En conséquence, la Chine investit par exemple massivement depuis une trentaine d’années sur le continent africain.

Cette diversification des collaborations africaines s’accompagne cependant d’une compétition poussant d’autres puissances à dénigrer l’image de la France auprès des populations locales. Si cette image reste globalement bonne, la diplomatie publique de la France devient de plus en plus nécessaire pour valoriser la politique française.

Quant à la laïcité à la française, souvent mal comprise à l’étranger, ce n’est pas un sujet selon l’Ambassadeur. Ces questions seraient simplement instrumentalisées pour porter atteinte aux intérêts français. Dans certains pays africains, si l’on assiste à la montée de l’islamisme et un regain de popularité de la charia auprès des populations locales, cela s’expliquerait surtout par le vide qu’elle vient combler dans certaines régions. Bien que très sévère, elle serait acceptée pour son côté égalitaire dans des zones gangrénées par la corruption et l’injustice. Puissants et hommes du commun y sont en effet soumis aux mêmes lois.

Des mesures françaises et européennes de lutte contre la désinformation

Pour lutter contre ces activités désinformationnelles, il existe des initiatives françaises et européennes, qui collaborent parfois. En RCA, la France et l’Union européenne ont chacune un ambassadeur résidentiel qui coordonnent leurs actions dans le cadre de la lutte contre la désinformation menée par le CAE (Conseil des affaires étrangères). Une nouvelle agence française (Viginum) a de plus été annoncée pour identifier et lutter contre les fausses informations.

L’Institut français et le réseau des Alliances françaises diffusent aussi les valeurs françaises sur le continent, bien que ces dernières échappent parfois au contrôle de l’Ambassadeur. Ces organismes participent à resserrer les liens entre la France et certains pays francophones africains. A contrario, la politique française d’aide au développement en Afrique laisse globalement un bilan mitigé et se retrouve confrontée à des problèmes d’infrastructure.

Mais la désinformation n’est pas l’apanage des puissances étrangères agissant en Afrique. Les diasporas africaines comportent aussi certains acteurs très actifs dans le domaine de la désinformation. Toutefois, quand il s’agit d’acteurs privés, des mesures légales peuvent être prises.

À propos de l'auteur

Olivier BOULNOIS

Olivier est ingénieur à Dassault Systèmes, diplômé en Relations Internationales à Lyon 3. Responsable adjoint au comité Culture et Influences , il est aussi membre des comités Armée du Futur et Cyber, auxquels il contribue par le biais du « cycle sur la désinformation ».

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